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Gestion

Les neurosciences en gestion

| Mis à jour le 2 décembre 2024

Entre neurosciences et pseudo sciences : comment démêler le vrai du faux? Les « pseudo sciences » peuvent donner l’impression d’être scientifiques – en raison notamment du langage utilisé - mais les résultats avancés ne sont pas démontrés scientifiquement et les personnes qui utilisent ces arguments ne sont souvent pas ouvertes au débat ou à la critique constructive. En revanche, le terme « neurosciences », fait référence aux recherches scientifiques menées de façon rigoureuse et éthique. Elles portent plus spécifiquement sur le système nerveux, le fonctionnement du cerveau et les comportements humains. Ces travaux permettent notamment de mieux comprendre les mécanismes liés au stress, à la peur, aux émotions, à la motivation. Les résultats sont utilisés dans différents domaines dont la psychologie, le marketing, la finance, le droit, l’intelligence artificielle et bien sûr le coaching et la gestion. Ils peuvent s’avérer très utiles pour aider le gestionnaire à mieux se comprendre, à comprendre ses collaborateurs et à adapter ses interventions de façon efficace.

Le balado Profession Gestionnaires est une initiative de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec (Adm.A).

La gestion du changement

Le changement est devenu la seule chose constante dans nos vie modernes. Or, le cerveau déteste le changement ! En effet, le cerveau humain est un détecteur de menace. Il est programmé pour nous protéger du danger et assurer la survie de l’espèce. Il aime donc la stabilité et les points de repères sécurisants. Le changement est une source de stress - de peur - qui suscite des émotions plutôt désagréables.

Comprendre le fonctionnement de notre cerveau nous aide à mieux comprendre nos propres réactions et celles de nos collaborateurs. Cela permet d’agir en prévention pour mieux gérer la résistance au changement – une réaction normale - en adaptant notamment notre façon de communiquer.

Susciter la motivation en donnant du sens

Au moment de la fixation d’un objectif de travail, le coach professionnel va permettre au client d’évaluer sa motivation en lui demandant une question qui l’amène à connecter avec ses valeurs, ses besoins. Par exemple : « Qu’est-ce qui fait que c’est important pour toi aujourd’hui d’atteindre cet objectif en particulier ? ». Le gestionnaire pourrait s’inspirer de cette façon de faire lorsqu’il reçoit une demande de rencontre par exemple. Lorsque la personne ne peut pas répondre à cette question à propos des enjeux de la rencontre, il peut y avoir un signe que l’objectif n’est peut-être pas le bon où qu’il y aurait intérêt à le considérer sous un autre angle. Si la personne n’a rien à gagner, la motivation ne sera pas au rendez-vous. Et pour maintenir les efforts sur la durée, il est important de se reposer sur ses valeurs.

Dans certains cas, une question comme : « Qu’est-ce qui va se produire si tu n’atteins PAS cet objectif à court ou moyen termes ? » peut amener l’individu à envisager des conséquences non souhaitées. À ce moment, les mots utilisés vont stimuler davantage le cerveau dit « reptilien », celui qui réagit à la menace, à la notion de peur, de danger, de stress. Dans ce cas, le fait de susciter une prise de conscience en lien avec une situation, des émotions ou des conséquences désagréables à éviter peut devenir un facteur de motivation, à court terme du moins.

Dans d’autres cas, c’est plutôt en demandant : « Qu’est-ce que tu pourrais perdre si tu ATTEINTS cet objectif ? » que la prise de conscience se produit. Bien que contre intuitive, cette question permet parfois à la personne de réaliser que l’objectif - qui semble rationnel - entraîne des peurs qui peuvent susciter de l’auto sabotage. Par exemple, un entrepreneur qui souhaite décrocher des gros contrats pour augmenter son chiffre d’affaire mais qui a peur de perdre le contrôle en contexte de rareté de main d’œuvre ou encore, la jeune gestionnaire qui postule pour avoir une promotion et qui craint en même temps de ne pas être assez présente auprès de ses enfants si elle l’obtient. En mettant à jour et en comprenant les peurs, il est possible d’aider la personne à recadrer son objectif d’une façon plus écologique pour elle et ses proches et à mettre en place des mesure qui vont lui permettre de surmonter ses appréhensions et d’atteindre les résultats souhaités.

Les émotions « négatives », vraiment ?

Bien qu’elles soient encore souvent tabou en milieu de travail, il serait dommage de nier la présence des émotions et surtout, de les qualifier de « positives » ou « négatives ». Il est préférable de parler d’émotions « agréables » ou « désagréables », puisque toutes les émotions sont toutes utiles. En fait, ce sont des messagères. Lorsqu’elles sont désagréables, elles se manifestent pour nous signaler que quelque chose ne va pas, qu’un besoin important pour nous n’est pas répondu, qu’une valeur fondamentale pour nous est bafouée. Les neurosciences nous apprennent que les émotions sont traitées par différentes structures profondes que l’on regroupe souvent sous le nom de cerveau « limbique ». La première étape de la gestion des émotions serait de développer l’intéroception - une meilleure perception des signaux internes du corps – afin de ressentir la présence d’une émotion. Par la suite, des questions judicieuses pourraient aider la personne à remonter à la surface dans les structures du néocortex - la matière grise - pour mettre des mots sur l’émotion. Formulé de façon plus explicite, ce message peut nous éclairer et nous guider vers les actions à poser pour régler un problème. Par le fait même, cela peut soutenir le courage de gestion et la prise de décisions. Au contraire, lorsqu’on ne reconnait pas la présence d’une émotion ou que l’on ne comprend pas le message qu’elle veut nous livrer, elle va revenir avec des manifestations plus fortes qui vont être plus difficiles à gérer. La petite frustration pourrait alors devenir une colère spontanée et un stress normal devenu chronique pourrait s’exprimer par une crise d’anxiété. C’est ce débordement incontrôlé que l’on veut éviter.

Des liens entre pensées et émotions

Le fait d’entretenir des pensées désagréables va nous conduire à nous sentir frustrés, déprimés, et des émotions désagréables vont amener notre hamster à ruminer des pensées désagréables. Étant donné que le cerveau ne fait pas la différence entre une pensée et un fait réel : ça se met à tourner en boucle ! Pourtant, les chercheurs nous indiquent maintenant qu’il est possible de sortir de ce cercle vicieux pour créer volontairement ce que l’on pourrait appeler un cercle « vertueux ». La méditation est un exemple. Lorsque l’on choisit de penser volontairement à des personnes, à des événements avec des émotions agréables comme la compassion, l’amour, la bienveillance, notre corps ne secrète pas le même cocktail de neurotransmetteurs. C’est ce qui fait que l’on suggère de choisir nos pensées pour produire des antidépresseurs naturels.

Et le corps dans tout ça ?

Les scientifiques ont découvert que la boucle des émotions et des pensées est en fait une boucle qui inclut le corps. Par exemple, lorsqu’on est déprimé, on a tendance à rouler les épaules vers l’intérieur. Au contraire, quand on est de bonne humeur et qu’on a confiance, on sourit, on lève le menton, on ouvre les épaules vers l’arrière. Essayer de vous plaindre quand vous adoptez cette posture ! Vous allez réaliser que le cerveau se fie beaucoup aux messages transmis par notre posture. Si l’on s’affaisse devant l’ordinateur toute la journée et que l’on s’écrase devant la télé en arrivant à la maison, le cerveau reçoit un message de déprime à travers les muscles refermés. Au contraire, lorsqu’on se redresse on peut contribuer à court-circuiter les pensées et les émotions désagréables. C’est la raison pour laquelle des activités comme la marche et le yoga sont de bonnes stratégies de prévention, de maintien et de retour à la santé et au bien-être. D’autres stratégies comme l’activité physique, le contact avec la nature, etc. peuvent également avoir cet effet de faire cesser la réponse de stress (production notamment d’adrénaline et de cortisol) pour revenir à un état d’équilibre, ce que les scientifiques appellent le principe d’homéostasie. Il suffit d’identifier l’activité qui nous convient. En fait, c’est la respiration qui joue le rôle le plus important. C’est la respiration abdominale, une respiration profonde qui se déclenche au repos mais que l’on peut stimuler de façon volontaire en faisant une activité physique, en chantant, en riant ou en faisant la respiration « ujjayi » en yoga par exemple, qui déclenche la fameuse cohérence cardiaque et le système nerveux parasympathique qui est un puissant antidote à la réponse de stress et aux effets délétères du stress chronique. Bien entendu, il est important d’agir sur la source des problèmes et de consulter un professionnel de la santé compétent dans le cas où les stratégies proposées ne seraient pas suffisantes pour améliorer l’état de la personne.

Références

  • FOREST, Jacques et collaborateurs (2022). Libérer la motivation avec la théorie de l’autodétermination, Édito
  • LUPIEN, Sonia (2020). Par amour du stress, Éditions Va Savoir.
  • MILLER, William R. et Stephen ROLLNICK (2024). L’entretien motivationnel : aider la personne à engager et à réaliser le changement (3e édition), Interéditions
  • NOUVION, Anne-Laure (2024). Accompagner le changement avec les neurosciences : deux pilotes à bord du cerveau, Interéditions.

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