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Gestion

Transformation du monde du travail : prévention des risques psychosociaux

| Mis à jour le 2 décembre 2024

La transformation du monde du travail s’est accéléré au cours des dernières années. Durant la pandémie, plusieurs sondages ont démontré que les gestionnaires ont été - et sont toujours - parmi les personnes les plus touchées par ces impacts. Fatigue chronique, pénurie de main d’œuvre, mode de travail hybride, font désormais partie du vocabulaire quotidien et peuvent contribuer à faire perdre le sens au travail. Heureusement, certains changements législatifs ainsi que les avancées de la science nous apportent de précieux points de repères pour s’y retrouver.

Dans cet épisode, nous réfléchissons aux nouvelles obligations des employeurs en ce qui a trait à la promotion de la santé psychologique au travail, à la santé des gestionnaires et des membres de leurs équipes, aux nouveaux rôles des gestionnaires, ainsi qu’aux applications des dernières données de la recherche, qui ouvrent la porte à une véritable révolution de l’organisation du travail.

Le balado Profession Gestionnaires est une initiative de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec (Adm.A.).

Le travail, de plus en plus stressant !

Au cours des dernières décennies, plusieurs phénomènes ont contribué à accélérer les transformation dans le contexte de travail et la nature des tâches effectuées. La révolution industrielle, l’arrivée femmes sur le marché du travail, les technologies, le vieillissement de la population, la pandémie, le télétravail qui s’est invité et maintenant l’intelligence artificielle, pour n’en nommer que quelques-uns. Autant de facteurs de stress qui s’accumulent pour les gestionnaires et les travailleurs !

Des lois à dépoussiérer

Toutes ces transformations ont amené des changements significatifs quant à la nature des risques auxquels les travailleuses et les travailleurs sont exposés. Parallèlement, les ajustements à l’encadrement législatif n’ont pas suivi. Avant même la pandémie, les chercheurs attiraient notre attention sur les facteurs de risques psychosociaux au travail. Les problèmes de santé mentale sont devenus plus nombreux et entraînent maintenant des coûts plus élevés que les problèmes de santé physique.

Par exemple, on sait que le stress chronique est LE principal facteur de détérioration de la santé psychologique chez les travailleuses et travailleurs et qu’il a aussi des impacts sur la santé physique. Et pourtant, les principes de la loi sur le régime de santé et de sécurité du travail dataient de la fin des années 1970 : des ajustements législatifs s’imposaient.

Une modernisation historique

En simplifiant beaucoup, on peut dire que la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, adoptée à l’automne 2021, - la plus importante modernisation depuis près de 40 ans - agit sur 2 lois bien connues : la Loi sur la santé et la sécurité du travail (la LSST) ainsi que de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la LATMP).

La loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail s’intéresse à différents thèmes. Pour les besoins de la cause, nous nous concentrerons aujourd’hui de façon plus spécifique sur le grand volet de la prévention des risques dans les milieux de travail. Une chose importante à retenir est que partout où l’ancienne mouture de la loi parlait de santé physique, la nouvelle loi inclut maintenant la santé psychologique et les risques psychosociaux.

Les risques psychosociaux

Lorsqu’on parle de risque psychosociaux, on parle notamment de :

  • La violence physique et psychologique
  • Le harcèlement psychologique et sexuel,
  • La possibilité d’exposition à des événements traumatiques

Mais aussi :

  • Le manque de respect et l’incivilité (ça pourrait vouloir dire, par exemple : une faible reconnaissance, le manque de soutien, des communications difficiles, …). Et c’est souvent le fait de tolérer l’incivilité qui va amener une détérioration du climat de travail et ouvrir la porte au harcèlement ou à la perception de harcèlement, ce qui arrive encore plus souvent.
  • La charge de travail élevée/ou la surcharge de travail.

De nouvelles responsabilités pour les employeurs, les dirigeants et les gestionnaires

Concrètement, ça implique qu’il faut être proactifs ! L’employeur doit désormais s’assurer d’inclure dans sa démarche de prévention, les risques psychosociaux liés au travail qui pourraient avoir une incidence sur la santé des travailleuses et des travailleurs.

Ça veut dire notamment de faire l’évaluation de ces risques, de chercher l’équilibre entre les besoins du groupe et les besoins des individus, de développer des politiques internes (par exemple, le droit à la déconnexion), avoir un programme de prévention ou un plan d’action.

Des risques psychosociaux à prendre en considération

La littérature scientifique nous indique que le fait de négliger les risques psychosociaux entraîne :

  • l’augmentation de l’absentéisme
  • l’augmentation du taux de roulement du personnel
  • la diminution de la satisfaction perçue des employés
  • l’augmentation des coûts de santé et sécurité au travail liés au présentéisme et à l’absentéisme, aux invalidités, aux réclamations d’assurances et des coûts de santé, etc.

Donc, au-delà des obligations légales, pour être un employeur attractif et qui maintient le lien d’emploi de qualité et de façon durable, il y a une réelle valeur ajoutée à prendre ces éléments en considération, particulièrement en période de rareté de main d’œuvre.

Productivité ou bien-être ?

Le milieu du travail a longtemps suivi un modèle traditionnel « top down » : centré sur la productivité beaucoup moins sur l’humain.

Or, la chercheuse Sonia Lupien nous le dit : « On ne peut pas augmenter la productivité d’un individu stressé ».

Donc, de plus en plus, on recherche une organisation et des gestionnaires qui prennent soin de l’humain, au service de la productivité et de l’atteinte des objectifs de l’entreprise. Ce n’est pas un OU l’autre, c’est un ET l’autre : le mieux-être de l’humain comme levier à l’atteinte des résultats organisationnels.

Un virage en gestion

La posture de leader-coach est une avenue prometteuse pour le gestionnaire qui emprunte au coach certifié sa capacité à :

  • Prendre soin de lui d’abord, de sa propre santé psychologique (mettre son masque d’oxygène en premier, comme dans l’avion !)
  • Sa capacité à créer un climat de confiance et de sécurité propice au dialogue; le gestionnaire n’est pas obligé de trouver des solutions tout seul à toutes ces transformations
  • Et la capacité à utiliser des outils de communication appropriés. Par exemple, écouter comme un coach, questionner comme un coach, savoir donner de la rétroaction de façon constructive, etc…

Évaluation de la charge de travail

La notion de « charge de travail » est très subjective. Par exemple, il y a une différence entre la charge de travail prescrite, la charge de travail réelle… et la charge de travail ressentie!

  • La charge de travail prescrite, c’est « la quantité de travail donnée sur papier ». Par exemple : produire un document d’une page = évaluation environ 1 heure de rédaction.
  • La charge de travail réelle, c’est ce qui se passe dans la « vraie vie ». Par exemple, pour rédiger un sommaire décisionnel d’une page pour un conseil d’administration, il faudra probablement faire des recherches, des analyses, peut-être parler à des intervenants. Il y aura peut-être des problèmes avec la technologie, etc. Donc, la charge réelle pourrait être de 3 ou 4 heures et peut-être même plus.
  • La charge de travail ressentie quant à elle, « c’est une perception » du contexte qu’il y a autour. C’est l’évaluation que la personne fait de sa propre situation et ce qu’elle en retire. Par exemple : le sens au travail, la reconnaissance, le sentiment de frustration, l’autoévaluation de sa performance, le plaisir ressenti, etc.

Donc, pour faire une évaluation juste de la charge de travail, le gestionnaire doit le faire AVEC la personne, pour comprendre son point de vue. De son côté, s’il veut mettre son masque d’oxygène en premier, le gestionnaire a tout intérêt à faire l’évaluation de sa propre charge de travail avec son supérieur.

Il est d’abord très important de tenir compte des émotions qui sont générées. Par exemple : « Est-ce que cette tâche est en accord avec les valeurs ? Est-ce que j’ai l’impression d’être autonome ? Est-ce que j’ai une opportunité de me développer ou la tâche est plutôt perçue comme routinière, abaissante ? ou encore Est-ce que j’ai des nouvelles difficiles à annoncer ? Etc. ».

On tiendra aussi compte du contexte dans lequel la tâche s’accomplit et du temps dont la personne dispose. Par exemple : « Quelle est la qualité des relations avec mon supérieur et mes collègues ? Quelles sont les ressources dont je dispose ? Est-ce que j’ai tout le support dont j’ai besoin (aide, technologie/outils ? Est-ce que c’est en temps supplémentaire imprévu ? Y a-t-il des impacts dans la conciliation vie personnelle-vie professionnelle ? Etc. »

Organisation du travail : essais-erreurs ou fondements scientifiques ?

La pandémie a été un terrain de jeu inespéré pour la recherche. Éthiquement on n’aurait jamais pu stresser autant de monde en même temps durant une aussi longue période. Les résultats peuvent maintenant nous aider à trouver des balises pour participer activement et avec plus de confort à la révolution du monde du travail.

Dans son plus récent livre « Le stress AU travail vs le stress DU travail », la chercheuse Sonia Lupien met en lumière deux types de travail à maximiser : le travail de surface et le travail en profondeur.

Le travail de surface, c’est ce qu’on appelle le « multitâche », qui nous donne l’impression d’être efficace. Par exemple : on a six fenêtres ouvertes sur l’écran d’ordinateur, on suit une formation en ligne tout en répondant à nos courriels sur un autre écran, on répond à une question d’un collègue pendant que notre conjoint ou notre enfant est en train de nous texter de ne pas oublier de signer tel papier.

Le cerveau est un gros organe énergivore. À chaque fois qu’il passe d’une tâche à l’autre, il consomme l’énergie du corps et c’est ce qui nous donne la sensation d’être constamment fatigué, peu importe que l’on soit au bureau ou en télétravail à la maison.

Au contraire, le travail en profondeur, c’est quand on ferme les notifications et que l’on se donne le droit de se concentrer sur une seule tâche durant quelques heures, par exemple : un rapport complexe à rédiger. À ce moment, le cerveau est en mode « productif » et il adore ça le sentiment du travail accompli.

Pour ou contre le travail en mode hybride

Selon les récentes observations des chercheurs, ça ne sera pas le lieu de travail qui serait le facteur le plus important mais plutôt la façon dont le travail est exécuté. Madame Lupien rapporte dans son livre qu’il y aurait un nombre d’heures optimal pour aller au bureau et faire du télétravail. On commence à avoir des données plus précises. Une première piste serait le mode de travail hybride dit « structuré » : 15 heures au bureau, 15 heures à la maison. On s’ajuste pour le reste selon son contexte.

Par exemple, on pourrait décider ensemble de consacrer une journée de présentiel pour ce qu’on appelle des journées d’ancrage obligatoires où tout le monde est au bureau. On les consacre à la « culture d’affairement », c’est-à-dire la ruche, le multitâche. On se dérange, on se parle, on collabore. Une journée par semaine au bureau– la même pour tout le monde - et une autre journée juste pour tous les membres de notre équipe, qui pourrait être différente d’une équipe à l’autre.

D’un autre côté, on libère du temps protégé pour le travail en profondeur qui pourrait être fait en télétravail. Et quand on parle de temps protégé, ça veut dire qu’on se donne des règles communes pour ne pas se déranger par les courriels, le téléphone et les réunions, sans se sentir coupable.

D’autres pistes à explorer

Plusieurs autres pistes d’adaptation se dégagent dans le livre. On pense à des adaptations pour l’intégration des nouveaux employés, avec plus de journées d’ancrage en présentiel, à l’organisation des locaux avec des espaces dédiés au travail de surface comme les aires ouvertes et à des espaces pour le travail en profondeur. On pourrait aussi réfléchir en fonction de son rythme personnel pour organiser son travail (réunions vs travail en profondeur) : « Suis-je du matin ou du soir ? ». Il faudrait aussi s’assurer de changer les indicateurs de performance. En effet, l’évaluation basée sur le « nombre d’heures travaillées » - qui a été établi au temps de l’industrialisation quand on « punchait » à l’usine- est-elle encore mieux adaptée que les indicateurs liés aux résultats ?

De précieux conseils

Pour réussir ce virage complexe, il faut avoir le courage d’en parler et de s’entourer !

Parler avec ses supérieurs et ses collègues gestionnaires pour réfléchir ensemble et faire évoluer le rôle du gestionnaire vers quelque chose de réaliste et d’adapté aux nouvelles réalités. Déléguer et automatiser certaines tâches administratives par exemple, pour être en mesure de mieux accompagner les humains. En parler avec les membres de son équipe pour mieux comprendre leur réalité et trouver ensemble des solutions.

ET

S’entourer, parce que son propre mieux-être, sa propre santé psychologique, ça implique de se sentir soutenu : aller en formation, consulter les conseillers en ressources humaines, faire partie d’un groupe de codéveloppement professionnel, faire une démarche de coaching individuelle… S’autoriser à prendre le temps d’identifier ses besoins et à mettre en œuvre les stratégies nécessaires pour y répondre.

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